Dieudonné PHASE II
(Archive octobre 2004 à mars 2005)
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366 jours, et une seule nuit samedi 1er janvier 2005
,par
A.
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Le 11 décembre dernier, aux alentours de 23h30, les téléspectateurs de France 2 apprenaient avec stupéfaction qu’une personne de couleur était forcément musulmane, et qu’un musulman était forcément de couleur. "Il y a un vrai racisme, il y a une vraie mise à l’écart des gens de couleur dans ce pays. Moi quand j’invite des musulmans dans cette émission, tout le monde me regarde comme si c’était extraordinaire" (Thierry Ardisson, "Tout le monde en parle", 11 décembre 2004)... Le propos n’émanait pas de n’importe qui : il sortait de la bouche d’un homme qui venait, une demi-heure durant, de s’auto ériger en haute autorité morale du pays, afin de confondre un homme à ses yeux suspect ; peu lui importait que cet homme ait été jugé innocent 17 fois en 17 procès jusqu’alors... Aux dernières nouvelles, Maurice Béjart et Akhenaton, tous deux blancs de peau et convertis à l’Islam, n’ont pas réagi. Pas plus que Joseph-Antoine Bell, gardien de but noir de la sélection camerounaise de football des années 80-90, qui avait un jour répondu en souriant à un journaliste : "Vous me demandez si je fais le ramadan alors que je me prénomme Joseph-Antoine ? C’est amusant." Humoristiquement parlant, l’époque qui s’achève et celle qui s’annonce sont formidables, à plus d’un titre. Pas un jour ne se passe sans une perle de cet acabit, décrédibilisant peut-être plus les hommes qui la profèrent que ceux à qui celles-ci s’adressent. Ainsi en va-t-il par exemple du qualificatif de "double discours", systématiquement accolé à chacun des propos de tel "intellectuel musulman". Qui, hormis ceux qui l’emploient eux-mêmes à longueur d’articles, d’ouvrages ou de reportages, peut bien avoir inventé une telle expression ? Et comment d’ailleurs utiliser une telle expression sans craindre qu’elle s’applique un jour à soi ? Les faits sont pourtant là : le qualificatif de "double discours" s’applique désormais aussi à ceux qui le dénoncent. En effet, dans la France de ce début de XXIème siècle, s’informer semble plus que jamais tenir de la performance intellectuelle. Lire entre les lignes, deviner les ellipses, distinguer les "Il a" des "Il aurait". Imaginer les coups de fil, les tapes sur l’épaule, les airs entendus au moment de publier tel article ou de diffuser tel reportage... Oui, s’informer dans la France d’aujourd’hui tient effectivement plus de la transpiration cérébrale que du divertissement pur. "Ailleurs, c’est pire", objecteront les mêmes. Oui mais ailleurs personne ne se prétend autant héritier de tel esprit des Lumières, de telles valeurs républicaines, d’une telle tradition démocratique. En matière d’autorité, il existe d’ailleurs deux catégories de souverains : ceux que les sujets respectent, et ceux que les sujets craignent... A lire dans les yeux des invités des émissions de variétés de ce temps, à traquer les silences, les hésitations, chacun est à même de mesurer le virage délicat pris par le Dieu médiatique hexagonal depuis quelques mois. Depuis un an, le Dieu médiatique n’est plus respecté - l’a-t-il jamais été ? - : il est craint. Or un régime basé sur la crainte qu’il inspire à ses sujets peut, au mieux, espérer remporter quelques batailles. En aucun cas une éventuelle guerre. La guerre ? Aux dernières nouvelles, elle ne se déclare plus : elle se mène. Dieudonné le dit lui-même, sur ce site (entretien avec Silviane Cattori) : "J’ai traversé cette période dans l’incrédulité la plus totale. A un moment j’ai eu l’impression que nous étions dans un pays en guerre, mais que je ne le savais pas." La phrase, terrible, aurait dû faire bondir. Et assurément, elle aura fait bondir... Mais d’un bond intérieur, qui tait son nom pour s’autoriser le loisir d’espérer encore un peu exister. Faut-il être naïf ? Faut-il croire que la fatwa qui s’est abattue sur l’humoriste n’aura fait réfléchir que lui ? Que les invités des plateaux de MM. Fogiel, Ardisson & co sont nés de la dernière pluie ? "On ne reproche pas à l’aveugle de ne pas voir" assénait Sako dans ’Maudits soient les yeux fermés’. 2004 étant une année bissextile, voici donc 366 jours que les non-aveugles regardent à côté. 366 jours que les débats des deux émissions phares du P.A.F. sont devenus aseptisés à un point qui confine à l’insipide. 366 jours que "Personne n’en parle". "On peut encore plaire à tout le monde" semble être devenue la méthode Coué de ce temps. Mais qui est dupe ? 366 jours passés à baisser la tête, à fuir face caméra : c’est long. Fuir ? Pire : se fuir... Voici un an qu’à chacune de ces émissions semble planer le spectre de l’homme au bouc. Rarement présent physiquement (euphémisme), l’humoriste est pourtant bel et bien là, à chaque instant de chaque émission. Dans chaque "Certains disent", "Aujourd’hui il n’est pas facile de" ou "Comme vous le savez"... Dieudonné n’aura pas attendu la sortie mondiale du "Village", film allégorique de M. Night Shyamalan, pour rejoindre le clan très fermé de "ceux dont on ne parle pas". Un peu comme l’avaient fait avant lui quelques coureurs cyclistes dans les mois qui suivirent un policièrement agité Tour de France 1998 - un peu comme eux, mais certainement pas pour les mêmes raisons. Invité parfois de ces émissions là, l’homme au bouc n’est d’ailleurs jamais plus convaincant que lorsqu’il se retrouve seul à seul face à son interlocuteur (lire : accusateur), et surtout lorsque le public daigne écouter sans applaudir à tout bout de champ... De par les multiples épreuves surmontées ces derniers mois - ces dernières années, même -, l’humoriste jouit en effet d’un rapport au public que beaucoup lui envient, mais qui se révèle parfois à double tranchant pour la cause qu’il défend. Désormais "habitué" des standing ovations, Dieudonné a parfois tendance à confondre le public des plateaux télés avec celui de ses salles de spectacle. Cela lui cause parfois du tort. Dans le premier des deux cas au moins, le public est en effet loin de lui être totalement acquis. Et n’est, par conséquent, pas forcément réceptif à ses clins d’œil et autres digressions "private-jokesques". Idem lorsque il lui faut composer avec la présence sur le plateau d’une personne tierce. Sur le plateau de l’émission "Tout le monde en parle", diffusée ce fameux 11 décembre, comme jadis dans "Une histoire de spectacle" sur Paris Première, l’humoriste eut la chance de n’être perturbé ni par un intervenant tiers, ni par un public bruyant - que Thierry Ardisson soit au moins remercié pour cela, du reste... Effaré peut-être par la violence des attaques proférées par le présentateur, le public n’a pas bronché, ou si peu - comparé par l’animateur au public de Jean-Marie Le Pen, le public de Dieudonné présent dans la salle avait pourtant de quoi se sentir offensé. Dans le même temps, l’humoriste put ainsi développer à loisir un argumentaire calme et réfléchi, tranchant justement avec la personne qui éructait en face de lui. Une application simple de l’un des principes majeurs de cet art martial appelé judo qu’il pratiqua jadis, à savoir : "la sincérité, c’est être à ce que l’on fait". Pas plus, pas moins. Déstabilisé par ce calme, ulcéré sans doute par le tour de passe-passe de l’artiste - qui le fit languir de la lecture du mot "banque" alors même qu’il lisait trois fois l’expression "sale nègre" sans que cela fasse sourciller M. Ardisson (comme une application là aussi d’une vieille sagesse asiatique : "Quand la sage montre la lune, l’élève regarde le doigt") -, le présentateur décida d’"enfoncer le même clou" une semaine plus tard. Cette fois-ci en l’absence de sa cible, et en toute en fin d’émission. Sous prétexte de rectificatif, il mentionna l’existence du livre d’Olivier Mukuna, ajoutant aussitôt un "Cela ne veut pourtant pas dire qu’il faille le lire" ponctué d’un rictus digne de ceux que l’on croise parfois au fond des cours d’école. A cette pique - et aux précédentes -, l’auteur mis en cause répondit par une autre, infiniment plus élégante, publiée sur ce site : "Longtemps, Sire, je vous serai gré d’un tel traitement défavorable qui ne pouvait qu’éveiller la curiosité des esprits libres." Bizarrement, et bien que l’émission soit notoirement retravaillée au montage, deux plans suivirent ce règlement de comptes par contumace : un plan de spectateurs fronçant les sourcils, puis un plan de Michèle Bernier, invitée jusqu’alors souriante, soudain visiblement désarçonnée par la bassesse de la manœuvre, clignant des paupières comme pour dire : "Non mais je rêve..." Pas le temps de s’attarder : déjà la pub était lancée, et la machine était passée à autre chose. Comme chaque jour, comme toujours. Prudence, cependant : sous les plages de sable blanc se trouvent encore quelques pavés. Et en dépit des rires bruyants et des applaudissements incessants, une tension palpable est là, et bien là, n’attendant qu’une opportunité pour jaillir. Voilà 366 jours que les choses se passent ainsi. Voilà 366 jours qu’il fait toujours nuit. Et la vie continue. Dieudonné entend combattre PAR le rire POUR un monde moins mesquin. Ses détracteurs ont-ils réellement déterminé si leur combat à eux était un combat contre le rire, ou un combat pour la mesquinerie ? Et quand bien même ceux-ci l’emporteraient, seraient-ils pour autant vainqueurs ? Car comme le disait Jigoro Kano, fondateur du judo : "vaincre sans convaincre n’est rien." Or il se murmure que nous sommes de plus en plus nombreux à être convaincus du bien-fondé de ce combat-là. "La France aux français ?
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